MC : Vous autres, artistes, avez une mécanique intérieure difficile à cerner pour les profanes que nous sommes.
    A. Le More : J'ai toujours sur moi des carnets de notes que je crayonne à la moindre occasion. C'est un moyen de m'approprier ce que je vois, observe et ressens.
    Un artiste est, par définition, un "voyeur". 11 reconstruit en permanence l'univers dans lequel il vit. Il le recrée. La peinture est d'abord un acte "mental".
    Plus que des éléments figuratifs, je retiens des impressions de rythmes, d'assemblages et harmonies de couleurs. S'il m'arrive, par exemple, d'introduire, comme cela s'est produit, un drapeau sur une toile, je n'y vois aucunement le symbole d'une idéologie, mais plutôt un prétexte, un motif de coloration, un rassemblement de points forts, une confrontation de tons.
    MC : Qu'est-ce que l'inspiration pour un artiste ? Comment vous mettez-vous en condition pour peindre ?
    A. Le More : Je m'installe à mon chevalet comme d'autres se rendent à leur bureau. Il ne faut pas attendre le moment de J'inspiration qui est une notion très romantique, souvent illusoire.
    Certes, je connais comme tout artiste des périodes plus propices à la création et des "états de grâce" dans l'élaboration d'une toile. Dans la réalité, certaines échéances sont à respecter : une commande à honorer, un salon qui approche, un marchand qui vient s'approvisionner Il faut alors livrer dans les délais imposés. C'est le côté contraignant, mais inévitable, de notre métier.
    MC : dans la vie courante, le langage est souvent trompeur, imprécis. Ou bien il se dérobe et l'on n'arrive pas expulser de son tréfonds ce que l'on souhaiterait dire. Grâce à son mode particulier d'expression, l'artiste est en somme un privilégié.
    A. Le More : Pour sûr ! La peinture, au même titre que toute expression artistique, est un immense privilège. Le registre que nous utilisons est illimité, puisque nous passons aisément de l'art conceptuel à l'art hyperréaliste.
    La peinture fait appel à des ressorts très simples. Elle est fondée sur une exigence plastique et se complexifie par la suite dès qu'elle se greffe sur la vie. Elle est ainsi porteuse de toute la gamme des émotions auxquelles donne naissance le coeur humain.
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