MC : Si le génie n'a pas - ou si peu - droit à la spontanéité, le Beau ne serait-il donc qu'une valeur consensuelle, voire une convention de langage ?
    A. Le More : Je le pense en effet. Le beau correspond pour moi à une vision que mon voisin de palier perçoit vraisemblablement d'une tout autre manière.
    Où est la laideur ? Où est la beauté ? Où est le vrai ?
    Des normes sont certes admises et servent de références. Il ne faut donc pas avoir peur d'un certain académisme, de la "chose" apprise. C'est une grossière erreur d'imaginer que l'on ne doive faire confiance qu'à l'intuition. Il faut d'abord apprendre à voir, à regarder et à comprendre.
    Le plus grand service que l'on puisse rendre à quiconque veut s'orienter vers une technique d'art plastique, c'est en effet de lui apprendre à décortiquer ce qu'il voit, à analyser, à rechercher la synthèse. Cette chimie interne propre à l'artiste est la base d'une véritable culture.
    MC : Toute expression artistique s'inscrit-elle dans une
    histoire ? L'artiste se définit-il aussi par rapport aux autres ?
    A. Le More : Même si l'on peut entretenir des nostalgies ou de l'admiration pour tel ou tel maître à penser, on est toujours tributaire de l'époque dans laquelle on vit. Notre monde est constitué d'idées et d'images que nous partageons tous et dont nous nous imprégnons.
    Quant à savoir si je suis libre ou non de m'exprimer comme je l'entends, sans être tributaire du goût du jour, il est évident que, comme tout artiste, je suis écartelée entre ce que je voudrais réaliser et ce que je ne puis réaliser aujourd'hui. La prospective est le propre de l'artiste. Mais aller contre mon gré en empruntant le
    courant de l'esthétisme du moment, dans le sens du vent ? Non ! Cent fois non ! Suivre la mode n'a, à mes yeux, aucun sens.
    MC : Tout artiste souhaite néanmoins, plus ou moins consciemment, inscrire son nom dans l'histoire de l'art
    A. Le More : Tout dépend des ambitions personnelles.
    Il me semble en effet que les artistes femmes sont beaucoup moins soucieuses que leurs homologues masculins de la place qu'elles occupent ou qu'elles occuperont dans cette histoire. Les hommes se préoccupent de postérité. Les femmes, beaucoup moins. Du moins est-ce mon point de vue. Il est possible que je me trompe lourdement, car la société évolue. Le monde des artistes aussi. Je suis pour ma part intéressée par le spectacle de la vie. J'essaie d'y participer avec les moyens qui sont miens. Point final ! Je suis totalement accaparée par l'acte de peindre. Le reste m'importe peu.
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